August 8, 2024

Hyperconnexion : prenez soin du cerveau de vos talents

C’est probablement le mal du siècle et pourtant, l’hyperconnexion et les risques qu’elle implique semblent parfois passer sous les radars.

Hyperconnexion : prenez soin du cerveau de vos talents

C’est probablement le mal du siècle et pourtant, l’hyperconnexion et les risques qu’elle implique semblent parfois passer sous les radars.

Avec la transition numérique, les outils de travail se sont - pour la plupart - digitalisés. Nous nous sommes habitués à passer du traitement des mails, aux réunions en visio, d’un ou plusieurs outils collaboratifs à une somme importante de progiciels, le tout au rythme cadencé des notifications.

Le problème, c’est que nos cerveaux humains ne sont pas faits pour ça… Toujours à la recherche de nouvelles informations, leur hyperstimulation finit par épuiser l’ensemble de l’organisme.

Troubles du sommeil, manque d’énergie, inefficacité, l’hyperconnexion impacte peu à peu toutes les sphères de notre quotidien. Et les conséquences sont bien plus graves qu’il n’y paraît.

Pour évoquer ce sujet de santé mentale, nous avons interrogé Thibaud Dumas, docteur en neurosciences cognitives, conférencier, auteur et co-fondateur de l’Association Attention Hyperconnexion - un collectif d’experts pluridisciplinaires qui sensibilise les publics aux enjeux de l’hyperconnexion, de l’addiction aux écrans et de la baisse de l’attention.

Avec son entreprise Into the Tribe, il se rend dans les organisations pour accompagner la mise en place de pratiques numériques responsables et respectueuses de l’attention des individus.

Son mot d’ordre : “reprenez le contrôle” (pour éviter la surchauffe).

C’est quoi l’hyperconnexion, exactement ?

Thibaud Dumas : “Il n’y a pas de seuil officiel car il n’y a pas, à ce jour, de définition clinique de l’hyperconnexion. Toutefois, on peut faire le parallèle avec les addictions comportementales : on a un problème d’hyperconnexion quand ça impacte le fonctionnement d’un individu dans sa vie quotidienne. Par exemple : lorsqu’on dort mal, qu’on est plus irritable avec ses proches ou avec ses collègues, lorsqu’on n’arrive plus à travailler correctement, il faut aller voir un professionnel de santé.

Tout l’enjeu évidemment, c’est de ne pas en arriver là.

Et les entreprises ont un rôle à jouer là-dedans !

C’est l’une des responsabilités du dirigeant que de veiller à ce que l’état de santé de ses collaborateurs ne se dégrade pas à cause des conditions de travail.”

Comment sait-on qu’on est hyperconnecté ?

TD: “L’énergie est un signal intéressant. Dans un fonctionnement normal du corps humain, on se réveille le matin avec plus d’énergie que le soir. Si vous vous levez avec le sentiment d’avoir moins d’énergie que la veille, attention.

Quelles sont les conséquences de l’hyperconnexion ?

TD: “Comparons le cerveau à un muscle. On ne peut pas le contracter 24h/24. Si on ne décroche pas, le cerveau va le faire tout seul et peut-être à un moment où il ne fallait pas qu’il décroche.

Le cerveau humain va toujours aller chercher de l’information.

Aujourd’hui, il en reçoit en abondance. Beaucoup trop par rapport à ses capacités de sélection et de traitement de l’information, qui sont limitées.

Et ça a des conséquences sur l’attention. Avant les années 2000, le “span attentionnel”, c'est-à-dire la capacité d’attention spontanée, était de 2 minutes 30. Aujourd’hui, on en est à 45 secondes !

Il faut être très vigilant là-dessus car ce déficit d’attention a un impact sur des aspects déterminants :

  1. Vous en avez peut-être déjà fait l’expérience, une attention réduite change la perception du monde.
  2. L’attention portée aux autres diminue également et les rapports sociaux s’en voient dégradés.
  3. Dans le monde professionnel : le stress et les erreurs se multiplient.
  4. Et puis, il peut y avoir un enjeu de démocratie. Une attention courte donne accès à des informations incomplètes.

L’hyperconnexion est un risque socio-professionnel comme les autres. Fatigue professionnelle, burn-out, il est urgent de conscientiser nos usages numériques pour les éviter.

Quelles sont, selon vous, les bonnes pratiques à mettre en place en entreprise ?

TD: “À la question de savoir ce qu’on peut faire, on répond toujours reprendre le contrôle. Qu’est-ce que ça veut dire : le point de départ de toute action c’est de repenser son fonctionnement.

  • Quels sont les outils numériques utilisés par les équipes ?
  • À quoi servent-ils précisément ?
  • Sont-ils tous indispensables ?
  • Peut-on réduire le nombre d’outils utilisés sans perte en efficacité ?

Plus précisément, demandez-vous :

  • qui a besoin d’être joignable toute la journée ?
  • qu’est-ce qui est vraiment urgent ?
  • qu’est-ce qui doit être synchrone (instantané, en temps réel), et qu’est-ce qui peut être asynchrone ?
  • quels garde-fous peut-on mettre en place ? (horaires, durées, nombre d’outils.)

Les réponses à ces questions dépendent de votre activité mais aussi de votre culture d’entreprise.

Nous recommandons de se les poser en concertation avec les équipes. Les managers sont parfois surpris des retours de ses collaborateurs !

Un exemple : un chef d’équipe avait pris l’habitude d’écrire un mail complet le dimanche soir pensant qu’il était indispensable que ses équipes l'aient le lundi matin en arrivant. Sauf que les équipes, elles, pensaient qu’elles devaient traiter ce mail le dimanche et y répondaient par conscience professionnelle. Désormais, le mail est écrit en amont et programmé pour le lundi, première heure.

J’attire également votre attention sur les réunions. Avant, la fréquence des réunions était conditionnée par un truc tout bête : le planning de réservation des salles. Mais désormais, avec la visio, la potentialité est infinie ! Demandez-vous toujours :

  • si la réunion est indispensable ?
  • qui doit impérativement y participer ?
  • combien de temps doit-elle durer ?
  • quel sujet doit-on y aborder ?
  • quel est le format de réunion le plus adapté ?

Enfin, toute cette démarche de lutte contre l’hyperconnexion doit indiscutablement venir de la direction et reposer sur des managers exemplaires, qui incarnent vraiment la “nouvelle” culture d’entreprise.

Le bon exemple pour moi c’est celui des salles de sieste. Certaines entreprises construisent des salles de sieste mais personne n’y va car on sent bien que - socialement - c’est pas hyper bien vu de dormir 20 minutes après déjeuner.

Pourtant, les pauses sont capitales pour régénérer notre cerveau (des vraies pauses où on ne parle pas boulot, où on ne scrolle pas sur un écran), a fortiori si elles sont régulières, prises chaque jour, au même moment.

Retenez qu’il n’y a pas de solutions universelles. Les enjeux d’hyperconnexion ne sont pas les mêmes chez un community manager que chez un comptable.”

LE TEEPS :

L’étape de l’onboarding est déterminante pour mettre en place “des règles du jeu”.
Établissez avec le nouvel arrivant, la “charte” de connexion dans l’entreprise.

Exemples :

1. les mails sont autorisés du lundi au vendredi, de 09h à 18h,
2. les réunions en visio ne doivent pas excéder 30 minutes,
3. un seul sujet est à l’ordre du jour et celui-ci doit être tenu,
4. toutes les 2h devant un écran, faites une pause d’un quart d’heure sans écran.

À vous de (re)penser votre culture d'entreprise en matière d'outils numériques, de poser les bases - et ce - dès l'onboarding ! Bien pensée, cette charte peut devenir un pilier de votre stratégie RSE et un atout pour votre marque employeur.