Cela fait plus de dix ans qu’on observe des équipes intergénérationnelles. Pendant longtemps, le feedback était vu comme une mécanique de progression : on travaillait, on attendait le retour du manager, on corrigeait, on s’améliorait.
Mais aujourd’hui, quelque chose a changé.
Pas parce que la nouvelle génération est “fragile”, “pressée” ou “égoïste”, comme je l’entends parfois dire dans les couloirs.
Non. Elle est simplement lucide.
Lucide sur les rapports de force. Lucide sur l’impact émotionnel du travail. Lucide sur le fait que pendant trop longtemps, on a confondu feedback avec pression, exigence avec sacrifice, performance avec soumission.
Le plus grand malentendu intergénérationnel autour du feedback, c’est de croire que les jeunes cherchent des compliments.
C’est faux.
Ce qu’ils veulent, c’est comprendre.
Ce qu’ils veulent, c’est grandir.
Ce qu’ils veulent, c’est savoir si ce qu’ils font a du sens — pour eux, pour l’équipe, pour la mission.
Mais ce qu’ils reçoivent encore trop souvent, ce sont :
Alors, beaucoup décrochent. Pas parce qu’ils ne veulent pas progresser. Mais parce qu’ils ont compris qu’ils n’ont rien à prouver à tout prix.
Pendant des années, les générations précédentes ont été élevées dans l’idée que “se dépasser” était la norme.
Aujourd’hui, la Gen Z pose une autre question : jusqu’où, et pour qui ?
Ils arrivent sur le marché du travail dans un monde instable, incertain, où le bien-être est devenu un luxe.
Ils n’essaient plus de cocher toutes les cases, parce qu’ils ont compris que l’entreprise ne les protégera pas toujours en retour.
Et dans ce contexte, le feedback devient un révélateur.
Un retour mal formulé n’est pas juste un raté managérial. C’est un message :
“Tu n’es jamais assez. Tu dois toujours en faire plus. Et non, tu n’as pas voix au chapitre.”
La Génération Z est profondément attachée à la symétrie relationnelle.
Ils n’accordent pas d’autorité à un manager simplement parce qu’il a un titre, mais parce qu’il incarne une forme de leadership juste, capable d’écouter, de réagir, de reconnaître.
Dans un feedback, ce qu’ils attendent n’est pas la perfection du discours, mais :
Ils n’ont aucun problème à recevoir un retour difficile.
Mais si ce retour ne tient pas compte de leur implication, de leur contexte, de leurs idées… alors ils coupent.
Le feedback, pour un collaborateur de cette génération, n’est plus un rituel annuel.
C’est un flux. Une interaction. Un miroir.
Et quand ce miroir leur renvoie uniquement des attentes, des évaluations froides, ou de la distance émotionnelle… ils n’essaient plus de vous plaire.
Pas par désinvolture.
Mais parce qu’ils ont appris, à leurs dépens, que s’épuiser à performer pour quelqu’un qui ne vous voit pas, c’est le début du burn-out.
Avant de donner un retour, demandez-leur leur point de vue.
Comment tu as vécu ce projet ? Qu’est-ce qui t’a challengé ? De quoi es-tu le plus fier ?
Cela change toute la dynamique. Vous ne parlez plus “au-dessus”, mais “avec”.
Évitez les jugements secs.
Dites plutôt : “Je vais t’expliquer pourquoi ce point m’a posé problème, et ce que j’aurais attendu.”
La Gen Z n’est pas allergique à la critique. Elle est allergique à l’opacité.
Pas besoin d’une usine à gaz.
Une conversation Slack, un point visio de 10 minutes, un “tu veux un retour sur ce que tu viens de faire ?” suffisent à créer un climat de dialogue.
Le bon feedback est celui qui ne surprend pas, parce qu’il fait partie de la culture quotidienne.
La Génération Z ne fuit pas l’effort. Elle fuit l’absurde.
Elle ne rejette pas l’exigence. Elle rejette l’injustice et l’incohérence.
Si vous voulez qu’elle reste, qu’elle s’implique, qu’elle innove, qu’elle grandisse avec vous…
donnez-lui un espace où elle peut exister, s’exprimer, et progresser pour de vrai.
Et tout commence par un feedback juste, humain, et assumé.