25.4.2025

L’entretien annuel est devenu un rituel vide… et tout le monde fait semblant

Le grand théâtre de l’évaluation

Chaque année, à la même période, le même scénario. Des centaines de milliers de managers ouvrent leur calendrier et bloquent des créneaux pour des entretiens annuels. Les collaborateurs, eux, reçoivent l’invitation, complètent un formulaire, préparent (plus ou moins) leurs réponses. Puis ils se retrouvent, une heure, parfois deux. On parle des objectifs, de ce qui a été fait, de ce qu’il faudra faire. On coche les cases.

Et ensuite ?

Bien souvent… rien.

Pas de plan d’action. Peu de retour concret. Un silence feutré jusqu’à l’année suivante.

Ce moment, censé être un levier de reconnaissance, d’engagement, d’alignement, est devenu un rituel sans impact. Un passage obligé, que l’on exécute avec sérieux… mais auquel plus personne ne croit vraiment.

Un décalage croissant entre la promesse de l’outil et la réalité du terrain

Officiellement, l’entretien annuel est un temps d’échange structuré pour :

  • Valoriser les réussites,
  • Identifier les axes de progrès,
  • Construire des trajectoires professionnelles.

Mais en pratique, beaucoup de salariés en sortent frustrés, voire indifférents.

Les raisons sont nombreuses :

  • Des retours trop vagues, centrés sur des généralités (“continue comme ça”, “sois plus proactif”).
  • Des objectifs déconnectés du réel, fixés sans lien avec les contraintes opérationnelles.
  • Un manque de suivi, où les engagements pris tombent dans l’oubli au fil des mois.

Et parfois, une simple impression :

“On me parle, mais on ne m’écoute pas.”

Pourquoi persiste-t-on dans ce jeu de rôle ?

Si tant de collaborateurs et de managers partagent cette perception… pourquoi continue-t-on à faire ces entretiens exactement de la même manière ?

Pour une raison simple : parce que le système le réclame.

  • L’entretien annuel est un marqueur de conformité RH : il rassure, il structure, il coche les cases.
  • Il est intégré aux processus d’évaluation, de rémunération, de mobilité.
  • Il permet de justifier certaines décisions en cas de conflit ou de contentieux.

Mais dans cette volonté de cadrer, on oublie l’essentiel :

Un rituel perd toute sa force dès lors qu’il n’est plus porteur de sens partagé.

Et le management ne fait pas exception.

Les effets secondaires d’un rituel vidé de substance

À force de maintenir l’entretien annuel “par principe”, sans s’interroger sur sa pertinence réelle, plusieurs conséquences apparaissent :

  • Une perte de crédibilité du management : le discours RH n’est plus perçu comme sincère.
  • Un désengagement progressif : si les entretiens ne mènent à rien, pourquoi y investir de l’énergie ?
  • Des tensions latentes : l’entretien devient parfois le seul moment où certains osent parler… mais sans suite, ces paroles deviennent sources de frustration.

Dans certains cas, c’est même l’inverse de l’effet recherché qui se produit :

L’entretien génère plus de distance que de rapprochement.

Repenser l’entretien sans renoncer à l’évaluation

Faut-il supprimer l’entretien annuel pour autant ? Pas forcément.

Mais il faut le désacraliser en tant que “moment vérité unique”, et le réintégrer dans une dynamique continue de dialogue managérial.

Voici quelques leviers concrets :

1. Passer d’un bilan figé à un dialogue continu

Un feedback donné une fois par an est inefficace.

À l’inverse, des points réguliers, plus courts, plus spontanés, renforcent la relation de confiance.

2. Co-construire l’entretien avec le collaborateur

Plutôt que d’imposer une trame, proposer un canevas adaptable :
Quels sont les sujets que tu souhaites aborder cette année ?
De quoi as-tu besoin pour progresser, ou pour mieux vivre ton quotidien ?

3. Décorréler l’évaluation de la rémunération

Dans certaines entreprises, cette séparation permet une parole plus libre, plus honnête.

On ne parle plus “pour obtenir”, mais “pour construire”.

4. Former les managers à l’écoute active

Ce n’est pas une “soft skill”, c’est un outil de performance.

Un manager qui écoute vraiment capte mieux les signaux faibles, les attentes, les tensions.

Un rituel n’est pas inutile… à condition de ne pas faire semblant

L’entretien annuel peut encore avoir sa place dans l’entreprise.

Mais à une condition : qu’il redevienne un moment vrai, utile, incarné.

Sinon, il reste ce qu’il est devenu dans trop d’organisations :

un simulacre de dialogue.

Un moment où l’on joue un rôle…

… alors que personne n’a vraiment envie d’être là.

Repenser cet entretien, ce n’est pas remettre en cause la performance ou l’exigence.

C’est accepter que la relation humaine ne se mesure pas sur une grille, mais qu’elle se construit dans la durée, la sincérité et le respect mutuel.

Et ça, aucun tableau Excel ne peut le remplacer.

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