Chaque année, à la même période, le même scénario. Des centaines de milliers de managers ouvrent leur calendrier et bloquent des créneaux pour des entretiens annuels. Les collaborateurs, eux, reçoivent l’invitation, complètent un formulaire, préparent (plus ou moins) leurs réponses. Puis ils se retrouvent, une heure, parfois deux. On parle des objectifs, de ce qui a été fait, de ce qu’il faudra faire. On coche les cases.
Et ensuite ?
Bien souvent… rien.
Pas de plan d’action. Peu de retour concret. Un silence feutré jusqu’à l’année suivante.
Ce moment, censé être un levier de reconnaissance, d’engagement, d’alignement, est devenu un rituel sans impact. Un passage obligé, que l’on exécute avec sérieux… mais auquel plus personne ne croit vraiment.
Officiellement, l’entretien annuel est un temps d’échange structuré pour :
Mais en pratique, beaucoup de salariés en sortent frustrés, voire indifférents.
Les raisons sont nombreuses :
Et parfois, une simple impression :
“On me parle, mais on ne m’écoute pas.”
Si tant de collaborateurs et de managers partagent cette perception… pourquoi continue-t-on à faire ces entretiens exactement de la même manière ?
Pour une raison simple : parce que le système le réclame.
Mais dans cette volonté de cadrer, on oublie l’essentiel :
Un rituel perd toute sa force dès lors qu’il n’est plus porteur de sens partagé.
Et le management ne fait pas exception.
À force de maintenir l’entretien annuel “par principe”, sans s’interroger sur sa pertinence réelle, plusieurs conséquences apparaissent :
Dans certains cas, c’est même l’inverse de l’effet recherché qui se produit :
L’entretien génère plus de distance que de rapprochement.
Faut-il supprimer l’entretien annuel pour autant ? Pas forcément.
Mais il faut le désacraliser en tant que “moment vérité unique”, et le réintégrer dans une dynamique continue de dialogue managérial.
Voici quelques leviers concrets :
Un feedback donné une fois par an est inefficace.
À l’inverse, des points réguliers, plus courts, plus spontanés, renforcent la relation de confiance.
Plutôt que d’imposer une trame, proposer un canevas adaptable :
Quels sont les sujets que tu souhaites aborder cette année ?
De quoi as-tu besoin pour progresser, ou pour mieux vivre ton quotidien ?
Dans certaines entreprises, cette séparation permet une parole plus libre, plus honnête.
On ne parle plus “pour obtenir”, mais “pour construire”.
Ce n’est pas une “soft skill”, c’est un outil de performance.
Un manager qui écoute vraiment capte mieux les signaux faibles, les attentes, les tensions.
L’entretien annuel peut encore avoir sa place dans l’entreprise.
Mais à une condition : qu’il redevienne un moment vrai, utile, incarné.
Sinon, il reste ce qu’il est devenu dans trop d’organisations :
un simulacre de dialogue.
Un moment où l’on joue un rôle…
… alors que personne n’a vraiment envie d’être là.
Repenser cet entretien, ce n’est pas remettre en cause la performance ou l’exigence.
C’est accepter que la relation humaine ne se mesure pas sur une grille, mais qu’elle se construit dans la durée, la sincérité et le respect mutuel.
Et ça, aucun tableau Excel ne peut le remplacer.
Un projet, une idée ou une question ?