Dans le monde RH d’aujourd’hui, un mot a pris une place énorme : soft skills.
À tel point que certaines entreprises affichent fièrement qu’elles recrutent « des personnalités, pas des diplômes ». C’est séduisant. Moderne. Inclusif.
Mais il y a une question que peu osent poser :
Et si cette volonté de recruter « autrement » n’était, dans certains cas, qu’un nouveau filtre déguisé en bienveillance ?
Car derrière l’apparente ouverture des critères comportementaux se cache souvent une subjectivité difficile à cadrer, qui peut renforcer des biais, créer de la frustration chez les candidats et exclure sans justification.
D’un point de vue RH, cette tendance part d’un bon réflexe : les entreprises ont compris qu’un bon collaborateur ne se résume pas à un diplôme, un parcours ou une expertise technique.
Ce qu’on cherche aujourd’hui, ce sont des personnes :
Autrement dit : capables de naviguer dans un monde instable selon la thèse de Hilda Marshll (Walden University, 2023).
Et cette quête d’“agilité humaine” a donné lieu à une explosion du recrutement orienté soft skills — avec parfois un discours fort :
« Chez nous, on recrute des êtres humains avant de recruter des CV. »
Mais ce discours, aussi noble soit-il, mérite d’être challengé.
Ce qu’on appelle soft skills sont en réalité des comportements selon AISSMS… observables par celui qui recrute.
Et c’est là que le bât blesse : car ce qu’on observe est influencé par notre propre perception. Et cette perception dépend :
Exemple concret : un candidat introverti peut faire preuve de réflexion, d’écoute active et de stabilité émotionnelle.
Mais dans un entretien, il semblera “froid”, “pas assez dynamique”...
Et sera écarté au profit d’un profil plus “vivant” mais pas nécessairement plus compétent.
Le danger ?
On crée une norme comportementale implicite. Et cette norme exclut ceux qui ne maîtrisent pas les codes. Pas forcément ceux qui manquent de potentiel.
Lorsqu’on recrute sur les soft skills sans cadre clair, on ouvre la porte à :
Ces biais sont d’autant plus dangereux qu’ils sont difficiles à détecter, car souvent inconscients.
En clair :
Ce ne sont pas toujours les “mauvais candidats” qui se heurtent aux soft skills.
Ce sont :
Et si recruter sur les soft skills ne devient pas un exercice d’équité... il peut vite devenir un outil de conformisme.
Voici les 4 conditions pour que le recrutement comportemental devienne un vrai levier d’inclusion :
Chaque poste demande des soft skills différentes. On ne demande pas la même chose à un chargé de relation client qu’à un chef de projet IT.
Il faut donc définir des soft skills spécifiques à chaque fiche de poste, et non piocher dans une liste “à la mode”.
Utiliser :
Parce que le “ressenti” est souvent un piège.
Et que ce n’est pas parce qu’un candidat est moins à l’aise à l’oral qu’il est moins compétent émotionnellement.
Un bon collaborateur peut être silencieux, méthodique, analytique.
Tout comme il peut être spontané, expressif et créatif.
Ce n’est pas le style qui compte, c’est la capacité à agir dans son rôle.
Recruter sur les soft skills peut être un formidable levier d’inclusion, si et seulement si on accepte de sortir du flou, de l’intuition et des stéréotypes comportementaux.
Les RH ont entre leurs mains une opportunité unique :
Rendre l’humain central sans exiger une norme unique d’humanité.
Et cela suppose une posture exigeante, nuancée, humble — mais terriblement stratégique.
Un projet, une idée ou une question ?